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Congé pour événements familiaux

CJUE : pas de congé pour événement familial lorsque le salarié est déjà en congés payés

Dans le cadre d‘une question préjudicielle soumise par la justice espagnole, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) précise qu’une loi nationale peut prévoir qu’un salarié perd son droit à congé pour événement familial lorsque le salarié est déjà en congés payés au moment où il pourrait s’en prévaloir. Cet arrêt ne remet pas en cause la jurisprudence française de la Cour de cassation.

Litige dans la grande distribution espagnole sur la perte des congés pour événements familiaux

Dans cette affaire, une convention collective prévoyait divers congés liés à un événement familial, notamment en cas de mariage, de naissance, de décès d’un membre de la famille, d’accomplissement de fonctions de représentation syndicale ou de déménagement. Cette convention collective était plus favorable que la loi espagnole, car elle accordait des congés d’une durée plus longue et dans des situations que n’envisageait pas la législation.

Deux enseignes de la grande distribution considéraient, conformément à la législation espagnole, que si l’un de ces événements survenait au cours d’une période de repos hebdomadaire ou de congés payés, le congé pour événement familial était perdu, sans possibilité de report à l’issue des congés payés ou du repos hebdomadaire.

Trois syndicats contestaient cette interprétation, qu’ils jugeaient contraire au droit de l’Union européenne, notamment les articles 5 et 7 de la directive 2003/88 du 3 novembre 2003, relatifs au congé annuel et au repos hebdomadaire. Selon eux, les salariés devaient pouvoir prendre leur congé pour événement familial ultérieurement, au cours d’une période travaillée.

L’affaire a donc donné lieu à une question préjudicielle.

La jurisprudence sur le congé maladie, preuve qu’un salarié ne peut pas perdre un congé légal ?

Les tenants du report des congés pour événements familiaux invoquaient notamment la jurisprudence européenne selon laquelle le salarié qui tombe malade durant ses congés payés peut reporter les jours de congés dont il a été privé (CJUE, 10 septembre 2009, aff. C-277/08, Vicente Pereda, CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11, Anged, et CJUE, 30 juin 2016, aff. C-178/15, Sobczyszyn). La Cour de justice justifiait notamment sa position par le fait que le congé annuel payé et les congés maladie n’avaient pas la même finalité : le premier était dédié au repos, à la détente et aux loisirs, tandis que le second visait au rétablissement du salarié.

Les syndicats en déduisaient que des salariés ne pouvaient en aucun cas perdre le bénéfice de congés légaux ayant des finalités différentes, l’un ne pouvant pas se substituer à l’autre. Ce raisonnement était selon eux parfaitement transposable aux congés pour événements familiaux, fondamentalement différents dans leur finalité des congés payés et du repos hebdomadaire.

Le « congé » pour événement familial ne vise qu’à faire en sorte que le salarié soit disponible

La CJUE n’a cependant pas voulu se placer sur ce terrain, tout simplement parce que, selon elle, les congés pour événements familiaux ne sont pas à proprement parler des « congés ». Ils ont en effet pour objet de permettre à un salarié d’être disponible dans le cadre d’un événement qui nécessite sa présence.

À partir du moment où ce salarié est déjà en congés ou repos hebdomadaire, il est disponible. L’octroi d’un congé pour événement familial ne se justifie donc pas, dès lors que les besoins et obligations auxquels répond ce congé surviennent lors de ces périodes.

La jurisprudence française confortée par la CJUE

Rappelons que la législation française prévoit également des congés pour événements familiaux (naissance, mariage, etc.) (c. trav. art. L. 3142-1).

Or, selon une jurisprudence constante, les congés pour événements familiaux ne sont pas légalement dus lorsque le salarié est déjà absent pour une raison quelconque : maladie, congés payés, etc. (cass. soc. 20 juin 1984, n° 81-40286, BC V n° 256 ; cass. soc. 11 octobre 1994, n° 93-42310 D).

Pour la Cour de cassation, les jours de congé pour événements familiaux doivent être pris dans une « période raisonnable » autour de l’événement, mais pas nécessairement le jour même (cass. soc. 16 décembre 1998, n° 96-43323, BC V n° 569). Lorsque le salarié est déjà absent pour un autre motif (ex. : naissance au milieu des congés payés ou pendant un congé sabbatique), ces jours ne s’ajoutent pas et ne donnent pas lieu à rémunération supplémentaire (sauf usage ou disposition conventionnelle contraire).

En cas de différend, le refus de l’employeur peut être directement contesté par le salarié devant le conseil de prud’hommes (CPH), statuant selon la procédure accélérée au fond (c. trav. art. L. 3142-3). Dans ce cadre, le CPH a le pouvoir d’apprécier le délai dans lequel le congé peut être pris (cass. soc. 23 janvier 2019, n° 17-28330 FSPB).

La CJUE conforte donc la position de la Cour de cassation.

CJUE 4 juin 2020, aff. C-588-18 ; https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:62018CJ0588