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Rémunération

Covid-19 : moduler la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat jusqu’à en exclure les télétravailleurs ?

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat est devenue, du fait de la crise sanitaire que nous traversons, un élément de rémunération permettant de valoriser le travail des salariés qui continuent de travailler sur leur poste de travail alors que d’autres ne travaillent plus ou télétravaillent. Il est possible de moduler le montant la prime en favorisant ces salariés. Peut-on pour autant exclure les télétravailleurs de la PEPA ?

Versement de la PEPA possible jusqu’au 31 août 2020

L’employeur peut mettre en place une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) soit par accord conclu selon les mêmes modalités qu’un accord d’intéressement, soit par décision unilatérale (loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, art. 7, JO du 27).

Diverses mesures dérogatoires ont été prises ces dernières semaines pour faire de cette prime un « bonus » de rémunération en cette période de crise liée au Covid-19, afin de permettre aux employeurs de récompenser davantage les salariés « au front » (ex. : ceux en contact avec le public, ceux travaillant à leur poste).

La prime exceptionnelle peut être versée jusqu’au 31 août 2020 (et non plus jusqu’au 30 juin) (ord. 2020-385 du 1er avril 2020, JO du 2).

Plafond d’exonération de 1 000 € ou 2 000 €

En principe, pour bénéficier des exonérations sociales et d’impôt sur le revenu dans la limite de 1 000 €, la PEPA de l’année 2020 devait être versée dans une entreprise couverte par un accord d’intéressement.

Depuis le 2 avril 2020, cette condition est supprimée et une entreprise sans accord d’intéressement peut mettre en place et octroyer une prime exonérée dans la limite de 1 000 € (ord. précitée).

Le seuil de l’exonération est porté à 2 000 € pour l’entreprise mettant en œuvre un accord d’intéressement à la date de versement de la prime.

Pour rappel, la PEPA est exonérée pour les seuls salariés qui ont perçu sur les 12 mois précédant son versement une rémunération inférieure à 3 fois le SMIC annuel, calculé en fonction de la durée du travail prévue au contrat (prorata pour les salariés temps partiel ou ceux qui ne sont pas employés sur toute la période).

Possibilité de modulation au regard des conditions de travail Covid-19

Le montant de la PEPA est fixé par la décision unilatérale de l’employeur ou l’accord qui la met en place. Il peut être identique pour tous les bénéficiaires ou modulé selon des critères limitativement énumérés (ex. : niveau de rémunération des salariés).

Via l’ordonnance du 1er avril 2020, le gouvernement a ajouté un nouveau critère permettant de moduler le montant de la prime : celui des « conditions de travail liées à l’épidémie de Covid-19 » (loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, art. 7 modifié ; ord. 2020-385 du 1er avril 2020, art. 1).

À condition de le prévoir dans l’accord ou la décision mettant en place la prime, l’employeur peut par exemple ainsi verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat plus importante aux salariés qui ont occupé leur poste sur leur lieu de travail durant l’épidémie, faute de pouvoir télétravailler.

Selon la ministre du Travail, il s’agissait de permettre de récompenser « les salariés qui sont au front », comme les « hôtes et hôtesses de caisse, les livreurs, les manutentionnaires, les salariés de l’agroalimentaire de l’agriculture » notamment.

Les précisions sur la modulation en fonction des conditions de travail

Les Questions/Réponses du ministère du Travail mises en ligne le 17 avril 2020 ont repris ce point en précisant que le critère des conditions de travail peut permettre, par exemple (Q/R 5) :

-de majorer substantiellement la prime pour l’ensemble des salariés ayant continué leur activité pendant la période d’urgence sanitaire ou seulement pour les personnes ayant été au contact du public (dans ce cas, l’appréciation sur 12 mois des conditions d’octroi de la prime ne s’applique pas) ;

-de tenir compte des différences dans les conditions de travail des salariés ayant continué leur activité (ex. : différencier le niveau de la prime des salariés en télétravail de celui versé à ceux qui ne pouvaient pas recourir au télétravail et ont dû se rendre sur leur lieu de travail) ;

-de majorer la prime pour les salariés ayant été astreints de se rendre sur leur lieu de travail habituel pendant une large part de la période d’urgence sanitaire, par rapport à celle versée à des salariés ayant subi ces conditions de travail pendant une plus courte période.

Sur ce point, les Q/R nous semblent en cohérence avec l’ordonnance, puisqu’il s’agit simplement de moduler le montant de la prime.

D’un critère de modulation à un critère d’attribution ?

Cependant, le ministère va plus loin et précise que le critère des conditions de travail liées à l’épidémie vise à « permettre de récompenser la possibilité de prendre en compte la présence effective du salarié, en excluant, par exemple, les salariés en télétravail » du bénéfice de la prime (Q/R 2.6).

Plus généralement, le ministère indique également que la mise en place des autres critères de modulation pourrait le cas échéant conduire à mettre une prime à zéro (Q/R 2.11).

Ces précisions posent question. En effet, jusqu’à présent qu’il s’agisse de la PEPA versée en 2019 que de la première circulaire de janvier 2020, il était clairement indiqué que si un critère de modulation pouvait faire varier le montant de la prime il était exclu qu’il conduise à priver de prime un salarié qui y était éligible prime (instr. DSS/5B 2020-11 du 15 janvier 2020 pour la PEPA 2020, Q/R 3.7 ; https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/LEGAL/2020/CIRCULAIRE/2020_11.pdf).

En d’autres termes, si rien n’interdisait des modulations extrêmes, un critère de modulation ne pouvait pas conduire à mettre à zéro la prime d’un salarié éligible.

Concernant le critère de modulation inhérent à la durée de présence, l’administration soulignait cependant (Q/R 3.7 de l’instr. DSS/5B 2020-11 du 15 janvier 2020) que compte tenu des conditions d’attribution de la prime et sous réserve des congés assimilés à une durée de présence (loi 2019-1446 du 24 décembre 2019, art. 7, II, 2°) un salarié qui n’a pas été effectivement présent dans l’entreprise au cours des 12 mois précédant le versement de la prime peut ne pas recevoir de prime.

Des précisions sur l’application des dernières Q/R mises en ligne seraient donc bienvenues afin que les employeurs ne commettent pas d’erreur dans l’attribution de la PEPA en 2020. Quitte, le cas échéant, à modifier l’article 7 de la LFSS 2020 pour faire clairement des conditions de travail liées au Covid-19 un critère d’attribution, si telle est la volonté des pouvoirs publics.

À défaut, les employeurs les plus prudents pourront en rester à l’option de la modulation, éventuellement très favorable aux salariés répondant au critère de conditions de travail covid-19, quitte à prévoir le cas échéant un montant plancher garanti pour les autres salariés éligibles à la prime.

Questions-réponses du ministère du Travail sur les primes-exceptionnelles et l’épargne-salariale (https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/primes-exceptionnelles-et-epargne-salariale)