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Prêt de main-d’œuvre

Mise à disposition d’un salarié : quelle différence entre la sous-traitance et le prêt de main-d’œuvre illicite ?

Pour que la mise à disposition dans le cadre d’un contrat de sous-traitance soit valable, il faut que plusieurs conditions soient remplies. Quelles sont-elles ? Nouvelle illustration de la Cour de cassation afin de nous les remettre en tête.

Interdiction du prêt de main-d’œuvre à but lucratif

Les opérations à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’œuvre sont strictement interdites (c. trav. art. L. 8241-1). On parle de prêt de main‑d’œuvre illicite. Par exception, le prêt de main-d’œuvre lucratif et exclusif est autorisé lorsqu’il a notamment lieu dans le cadre de la réglementation du travail temporaire et du travail à temps partagé (c. trav. art. L. 8241-1). La prestation de portage salarial est également possible puisque, si toutes les conditions sont remplies, il ne s’agit ni d’un prêt de main-d’œuvre illicite ni du marchandage prohibé (c. trav. art. L. 1254-6).

Il est cependant possible de recourir à un contrat de sous-traitance dont l’objet essentiel est la réalisation d’une activité et non la « fourniture » de main-d’œuvre. Un arrêt de la Cour de cassation du 19 décembre 2019 rappelle à quelles conditions ce type d’opération se distingue du prêt de main-d’œuvre illicite.

L’affaire : 10 ans de mise à disposition chez deux clients successifs

De janvier 2000 à mars 2010, une entreprise avait mis un de ses salariés (un analyste) à la disposition du Groupement d'étude et de traitement informatique de la Mutualité sociale agricole. À la suite de la liquidation du groupement en 2006, le salarié avait été mis à disposition du GIE Agora. Estimant notamment que sa mise à disposition auprès de ce dernier constituait un prêt illicite de main-d’œuvre et un marchandage, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes salariales et indemnitaires à l'encontre de son employeur et du GIE Agora.

Conditions requises pour la sous-traitance

Le contrat de sous-traitance doit avoir pour objet la réalisation d’une tâche précisément définie. Cette tâche est réalisée en utilisant les moyens mis à disposition par l’entreprise sous-traitante. Cette dernière doit conserver son autorité sur le personnel qu’elle met à disposition pour accomplir la prestation contractualisée (rép. Deprez n° 29546, JO 20 mars 2000, AN quest. p. 1834) (voir ci-après).

En pratique :

-le contrat de sous-traitance a pour objet l’exécution d’une tâche définie et identifiable distincte de celle de l’entreprise donneuse d’ordres (cass. crim. 3 mai 1994, n° 93-83104 D ; cass. soc. 8 avril 2009, n° 07-45200 D) ;

-le personnel détaché dans l’entreprise utilisatrice conserve une totale autonomie par rapport aux salariés de l’utilisateur ; l’entreprise utilisatrice ne lui donne pas d’ordres (cass. crim. 3 mai 1994, n° 93-83104 D) ;

-l’entreprise sous-traitante, sauf exception, fournit à son personnel les outils nécessaires pour réaliser les travaux (rép. Deprez n° 29546, JO 20 mars 2000, AN quest. p. 1834).

De plus, la rémunération du sous-traitant est fixée forfaitairement, en fonction du résultat à obtenir et non du nombre d’heures de travail effectuées (cass. crim. 25 juin 1985, n° 84-91628, B. crim. n° 250) ou du nombre de salariés utilisés.

Une situation qui répondait à la définition de la prestation de service avec mise à disposition

En l’espèce, le salarié avait été mis à disposition du GIE Agora dans le cadre d'une prestation de service selon un tarif forfaitaire et journalier. Ses missions apportaient un savoir-faire spécifique à l'entreprise utilisatrice et il adressait ses rapports d'activité à son employeur. C’est d’ailleurs ce dernier qui procédait à ses entretiens d'évaluation et qui assurait sa formation. Le salarié était donc bien resté sous l'autorité de l'entreprise prestataire.

Les juges en ont déduit que cette mise à disposition ne constituait pas une opération illicite de prêt de main-d’œuvre à titre lucratif.

Cass. soc. 19 décembre 2019, n° 18-16462 D