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Vie des affaires

Cession de parts

L’acquéreur de parts sociales ne peut se prévaloir du défaut d’agrément

Seuls les associés dont le consentement est requis pour la cession des parts sociales et la société peuvent invoquer le défaut d'agrément du cessionnaire.

Agrément de la cession de parts d’une société civile

Les parts sociales d’une société civile ne peuvent être cédées qu’avec l’agrément de tous les associés (c. civ. art. 1861). Tout acte conclu en méconnaissance de ces dispositions est nul (c. civ. art. 1844-10, al. 3).

La Cour de cassation vient de se prononcer une nouvelle fois sur la mise à profit de cette nullité. Dans cette affaire, un associé d’une société civile de moyens a cédé l’ensemble de ses parts à un tiers sans requérir l’agrément de l’autre associé.

La cour d’appel a fait droit à la demande de l'acquéreur qui avait sollicité la nullité de la cession pour non-respect de la procédure d'agrément. À tort, selon la Cour de cassation qui a rappelé que seuls les associés dont le consentement est requis pour la cession des parts sociales et la société peuvent invoquer le défaut d’agrément du cessionnaire.

En conséquence, l'acheteur des parts ne pouvait se prévaloir du défaut d'agrément pour faire échec à la cession.

Retour sur un principe bien établi

Plusieurs solutions du même ordre ont déjà été rendues par le passé en ce qui concerne les sociétés civiles (cass. civ., 3e ch., 6 octobre 2004, n° 01-00896).

En effet, en cas de non-respect de la procédure d’agrément, l’action en nullité a été refusée :

-à l’acquéreur des parts (cass. civ., 3e ch., 19 juillet 2000, n° 98-10469) ;

-au cédant (cass. civ., 3e ch., 6 décembre 2000, n° 99-11332).

Les raisons de ce principe

Dans le cas d'une violation de la procédure d'agrément, en théorie seuls les associés restants ou la société peuvent subir un préjudice. C'est pourquoi il appartient exclusivement à ces personnes de demander l'annulation de la vente si elles y ont un intérêt.

Concernant l’acquéreur, le défaut d'agrément ne lui fait aucun mal, au contraire il acquiert des parts alors même que les autres associés y auraient été opposés.

Quant au cédant, nul ne peut se prévaloir de ses propres fautes. Il est donc logique qu'il ne puisse pas invoquer la violation de la procédure d’agrément puisque c’est lui qui aurait dû la solliciter.

Solution applicable aux sociétés commerciales

La même solution est appliquée aux sociétés commerciales.

S'agissant des sociétés par actions, toute cession effectuée en violation d’une clause d’agrément figurant dans les statuts est nulle (c. com. art. L. 228-23, dernier al.). Ce principe est également expressément évoqué dans les SAS (c. com. art. L. 227-15). Seuls la société ou les actionnaires dont le consentement est requis peuvent invoquer la nullité qui pourrait résulter du non-respect ou de l'irrégularité de l'agrément, cette nullité ne pouvant être demandée ni par le cédant ni par l’acquéreur (cass. com. 14 décembre 2004, n° 00-20287).

De même pour les SARL, si la procédure d’agrément n’a pas été respectée, la cession des parts sociales peut être annulée (cass. com. 21 janvier 2014, n° 12-29221) ; cette nullité ne peut être invoquée que par les associés ou la société (cass. com. 20 mai 2014, n°13-16187).

Incidences pratiques

L’acquéreur a tout intérêt à s’assurer avant de signer l’acte d’achat des titres que la procédure d’agrément a bien été respectée au risque se voir opposer la nullité de la cession par les associés dont le consentement était requis ou par la société.

D'autre part, le cessionnaire ne peut, bien évidemment, pas remettre en cause la vente en prétextant un défaut d'agrément alors qu'en réalité il souhaite annuler la cession pour une autre raison, par exemple, en cas d’erreur ou de mauvaise évaluation de la valeur des droits sociaux de son propre fait.

En revanche, si le vendeur l'a trompé ou a omis une information qu'il savait déterminante, dans ce cas l'acquéreur peut demander l'annulation de son acquisition.

Cass. com. 16 octobre 2019, n°17-18494