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Harcèlement

Le salarié qui dénonce des faits de harcèlement doit veiller à ne pas tomber dans la diffamation

Le salarié peut être poursuivi au pénal pour diffamation publique lorsqu’il dénonce des faits de harcèlement à d’autres personnes que l’employeur ou des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail. Et il n’est pas si facile d’échapper à la condamnation.

Immunité disciplinaire et pénale en cas de dénonciation de bonne foi d’un harcèlement

Le droit du travail protège le salarié, victime ou témoin, qui dénonce des faits de harcèlement moral ou sexuel. Celui-ci ne peut pas être ni sanctionné, ni licencié, ni discriminé (c. trav. art. L. 1152-2 et L.1153-3).

Néanmoins, le bénéfice de la protection suppose que le salarié soit de bonne foi. En cas de mauvaise foi, la protection tombe.

Par exemple, si le salarié dénonce des faits inexistants de harcèlement moral dans le but de « déstabiliser l'entreprise » et de « se débarrasser » d’un autre salarié, il peut être licencié pour faute grave (cass. soc. 6 juin 2012, n° 10-28345, BC V n° 172).

Au pénal, le salarié ne peut pas être poursuivi pour diffamation lorsqu’il dénonce des faits de harcèlement auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail (inspection du travail, représentants du personnel).

En revanche, il peut être condamné pour dénonciation calomnieuse en cas de mauvaise foi, c’est-à-dire s’il avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués (cass. civ., 1re ch., 28 septembre 2016, n° 15-21823, BC I n° 182).

Poursuite pour diffamation publique si le salarié répand son accusation de harcèlement

Si la poursuite au pénal pour diffamation n’est en principe pas admise, c’est seulement si le salarié a réservé la dénonciation du harcèlement à son employeur et aux organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail.

Cette précision, qui se déduisait de l’arrêt de 2016, vient d’être apportée par la Cour de cassation dans un arrêt du 26 novembre 2019 (cass. crim. 26 novembre 2019, n° 19-80360 FSPBI).

Dans cette affaire, une salariée avait envoyé un email pour dénoncer des faits de harcèlement dont elle se disait victime, intitulé « agression sexuelle, harcèlement sexuel et moral ». Elle l’avait adressé non seulement à son employeur et à l’inspection du travail, mais également à un autre responsable sans lien hiérarchique avec elle, ainsi qu’au fils de l’auteur présumé de harcèlement.

Ce dernier a intenté une action contre la salariée pour diffamation publique et a obtenu sa condamnation, approuvée par la Cour de cassation.

En effet, en diffusant son accusation de harcèlement à des personnes autres que l’employeur ou les organes de contrôle du code du travail, la salariée avait outrepassé ses droits et ne pouvait pas réclamer le bénéfice de l’immunité pénale.

Sa responsabilité pénale pour diffamation publique pouvait donc être engagée.

De la difficulté d’échapper à une condamnation pour diffamation

En cas d’action pour dénonciation calomnieuse, il revient à la personne qui poursuit de prouver la mauvaise foi du salarié dénonciateur du harcèlement.

À l’inverse, en cas d’action pour diffamation, la charge de la preuve pèse sur le salarié qui dénonce les faits de harcèlement. Pour éviter toute condamnation, celui-ci doit :

-soit établir la vérité des faits qu’il dénonce, ce qui n’était pas le cas en l’espèce, les juges relevant que « s’il existe des éléments permettant d’établir la réalité d’un harcèlement moral, voire sexuel dans la perception qu’a pu en avoir Mme X…, rien ne permet de prouver l’existence de l’agression sexuelle » ;

-soit invoquer l’excuse de bonne foi, excuse non admise par les juges en l’espèce, « les propos litigieux ne disposant pas d’une base factuelle suffisante ».

Cass. crim. 26 novembre 2019, n° 19-80360 FSPBI ; https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_criminelle_578/2357_26_43959.html